Le théâtre comme lieu d’expérimentation de la coopération

En plein festival d’Avignon, la question de l’apport du théâtre au monde de l’entreprise m’a plus que jamais interpellée.

Lieu de spectacle, d’étonnement, de réalisation d’une œuvre, le théâtre recèle - contrairement aux apparences peut-être -, une mine d’enseignements pour le monde de l’entreprise. Bien plus que des cours de management, des séances de coaching ou des séminaires en tous genres, les dirigeants et managers gagneraient tant à observer le travail d’une compagnie de théâtre...

La vie que partagent les membres d’une troupe et le travail qu’ils fournissent au service de l’œuvre est à bien des égards une leçon de coopération et de management.

Aux spectateurs, les comédiens se livrent avec l’absolue nécessité d’être là totalement, corps et âme, au service d’une cause, d’un texte, d’un message. Ils sont à la fois eux et un autre, ‘prenant le costume’, tout comme les acteurs du monde du travail endossent des responsabilités, et en quelque sorte, acceptent de jouer des rôles.

Le comédien, par essence, est condamné à s’exposer ; il joue une partition qu’il a rarement composée, doit s’approprier un sens qu’il n’avait pas forcément initié. Il doit occuper l’espace de la scène, sans trop en faire, pour laisser au spectateur la possibilité d’une interprétation.

L'acteur écoute et suit les indications du metteur en scène, joue dans un cadre et des décors qui créent un contexte, permettant de figer les choses tout en laissant la place à l’imprévu.    

La manière dont le metteur en scène écoute ou prend en compte les intuitions des comédiens, ainsi que son niveau d’exigence sont probablement déterminants dans l’évolution de l’interprétation, tout comme la latitude que laisse un dirigeant à ses équipes l’est dans l’exécution du projet d’entreprise.

Une troupe se met au service d’un projet pendant des mois, des semaines, chacun à sa place tout en travaillant ensemble et en acceptant parfois d’aller sur le territoire de l’autre, pour apporter un regard, faire des propositions…

Contrairement aux idées reçues, l’art et la création de spectacle vivant exigent une immense rigueur pour être prêts à l’instant T, et pour pouvoir de ce fait laisser de la liberté aux acteurs - et finalement aux spectateurs - le moment venu. Ce sont tout le travail préparatoire, les répétitions nombreuses et souvent ingrates et les ajustements de chacun qui offrent la possibilité de l’improvisation.

Derrière la scène, agissent alors tous ceux - régisseurs, ingénieurs du son, techniciens, décorateurs… -, qui assurent la « mécanique » pour que le spectacle puisse avoir lieu, « supportant » au sens propre et figuré ceux qui sont sur le devant et s’exposent. A eux aussi se pose la question de la technologie et de son incursion dans le théâtre : que permet-elle, comment peut-elle servir ou dénaturer le propos ?

Sans ces hommes et femmes de l’ombre et sans leur soutien, ceux qui 'prennent la lumière' n’auraient probablement la même facilité à s’exposer.

Le texte est la matière mais l’enjeu est d’en « faire du vivant ». Sans émotion, sans partage, rien ne passe. L’engagement demandé est total.  

Ainsi pourrait-il probablement en être dans les entreprises, si elles savaient mettre en œuvre les enseignements de ce monde du travail artistique, haut lieu de coopération et de partage. A l’heure où la culture cherche des ressources et où l’entreprise s’interroge, il est urgent que ces mondes se rencontrent.

Flore Ozanne

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